Education et identité sociale


 Quelle socialisation pour la nouvelle génération en milieu urbain ?
La socialisation est un processus continu qui duretoute la vie. Elle a connu une profonde modification depuis l'apparition des mass-médias et particulièrement de la télévision, la radio et le cinéma. Eneffet,
si auparavant la famille et l'école étaient consécutivement lesprincipaux lieux de socialisation, nous assistons actuellement sous l'effetmédiatique, à une accentuation de la complexité dans le processus socialisantde l'enfant, en milieu urbain Ainsi, l'interaction socialisante de l'enfant, del'adolescent avec les médias entraîne, de la part des enfants, aussi bienl'intériorisation d'un système de référence, de modèles et de situationsparticulièrement consistantes, que la projection de leurs désirs ou de leursfantasmes dans les héros.
De plus si l'enfant, auparavant, faisait unedécouverte progressive de son univers social et planétaire, il se trouveaujourd'hui devant un moyen de plaisir et d'amusement qui lui apporte généreusementune information large, une masse de renseignements dont il n'a pas forcément encorebesoin. Ce fait, parmi d'autres, a joué un rôle important dans la diminution dela prégnance de la famille et de l'école.
De fait, vivant en plein processus d'interactionscontinuelles et d'échanges constants, tout en participant activement auxévénements de son environnement, 1'enfant se construit une personnalité plus oumoins équilibrée, suivant la nature de tels processus interactionnels, dans unmilieu déterminé.
Qu'en est-il à ce propos, du processus desocialisation dans notre terrain de recherche, en l'occurrence, le milieuurbain ?
Conçue, d'une part, comme étant un processus continu,changeant tout au long de la vie, en vue de l'intégration sociale relative etcontinue de l'individu et, d'autre part, comme un moyen d'acquérir, enintériorisant les modalités d'action (normes, valeurs, représentationssociales, etc...) dans le but de réaliser une relative adaptation dans lecontexte et le cadre de la vie personnelle et sociale en changement permanent,la socialisation souffre dans les deux milieux, familial et scolaire, du faitde ne pas être au rendez-vous des mutations profondes qui ont affecté la vie socialedans tous les domaines.
Tout d'abord, en ce qui concerne la famille, les jeunes scolarisés (les lycéens) préfèrent entretenir des relations spécifiques avec leurs parents,
relations caractérisées par une nette tendance vers une grande autonomie, voireune profonde rupture. Une telle rupture est d'autant plus significative que lavie sociale où se meut le jeune lycéen est soumise sur le plan socialisant etéducatif à une tendance plus assimilitive qu'intégrative, en ce sens que lemilieu familial essaie par le biais des attitudes et des comportementsparentaux de considérer les lycéens comme s'ils étaient encore des enfants, defaire d'eux des automates sociaux, en les privant d'esprit d'initiative, decréativité et de conscience critique.

Ainsi, il s'agit dans ce contexte coercitif, d'un processusde socialisation présidé par un contrôle parental sous-tendu d'une attitudeautoritaire négative et étouffante au lieu d'une autre, qui seraitcompréhensive et viserait l'épanouissement équilibré de la personnalité desadolescents, futurs vecteurs du changement social.
Ensuite, pour l'institution scolaire, on a dégagé unétat d'angoisse, de
déception d'autant plus profonds qu'ils insistent intensivement sur plusieursproblèmes qui mettent en relief l'état de crise dont souffre l'école.

Il s'agit en effet, d'une inquiétude qui s'exprime chez les jeunes lycéens par des comportements de désintérêt, de lassitude,parfois de révolte à l'égard des agents socialisants de l'école, étant donné que le rôle de celle-ci n'a, aux yeux des lycéens, qu'un sens négatif. Dans cesconditions, le processus de socialisation scolaire souffre des problèmes et desdifficultés d'ordre structurel et institutionnel.
Etant négative et désadaptative, la socialisationdispensée à l'école
comme en famille, en milieu urbain, laisse beaucoup à désirer sur le plan
de la formation des représentations sociales et de l'identité psychosociale
de la jeune génération.

Ce fait socialisant est aussi compliqué et ambigu surle plan des
normes et des valeurs en vigueur dans la réalité pratique. Il s'agit en effet
d'une ambiguïté et d'une indétermination dans le cadre moral destiné à
régler les relations interpersonnelles des membres de la société, d'autant
plus manifestes et omniprésentes qu'elles mettent en évidence certain clivagedans l'esprit des jeunes lycéens, entre le vécu et le reçu (théorique),c'est-à-dire entre les normes et les valeurs acquises dans les institutionssocialisantes (famille et école) et la réalité pratique. Ce fait est d'autantplus grave qu'il perturbe leur processus de socialisation et, par là même,celui de la constitution de leur identité psychosociale.

Outre ces problèmes dangereux inhérents à la structurede l'institution scolaire, familiale et sociétale, il importe de souligner quemême le groupe des pairs où les jeunes lycéens sont censés être à l'aise etcompenser par là les défauts des milieux familiaux et scolaires, n'est pas, luinon plus, faute d'infrastructures nécessaires pour le déploiement des activités,capable et apte à jouer ce rôle; il contribue davantage au développement desdifficultés juvéniles, délinquance et toxicomanie entre autres.
Enfin, on peut déduire des résultats de nos travaux derecherche, le fait que nous sommes en face d'un processus de socialisationinadéquat,
caractérisé sur le plan du contenu idéologique par un déphasage et un clivage entre le "reçu" et le "vécu"; un déphasage d'autant plus profond que le contenu de la socialisation relève d'une idéologie figée idéalisée et
mythifiée, dont l'impact sur la constitution identitaire ne va pas sansrépercussions graves.

Par voie de conséquence, cette réalité socialisante nepourrait qu'amener le jeune adolescent scolarisé en milieu urbain à se formerune identité psychosociale dont les traits principaux se situentessentiellement dans le cadre de la rupture sur le plan mental et matériel. Unerupture sous-tendue d'une forte tendance à l'autonomie et l'individualité, quise manifestent à travers les critiques et les reproches formulées à l'égard desadultes "incompréhensifs''

Ayant construit une identité différente de celle desadultes (parents et agents de socialisation scolaires), notre jeune adolescentscolarisé en
milieu urbain ne fait pas penser à ce qui a déjà été évoqué par certains auteurs,à savoir une identité "synthétique", "où les idées, opinions, valeurs,etc. sont là pour des raisons majoritairement circonstancielles : une nouvellereprésentation s'y logera aussi facilement qu'elle disparaîtra,
au gré de la conjoncture". Il est sérieux dans sa manière de juger, devoir,
et de critiquer dans un état de malaise. En effet, fortement acculturé, il ne
laisse pas passer l'occasion de signaler sa rupture et de remettre en cause son milieu néfaste.

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