Société et Développement: Crise morale et développement au Maroc

Société et Développement: Crise morale et développement au Maroc
 Maroc,quand l'indépendance politique fut acquise, le problème du développement fut déterminé d'une manière spécifique par le pouvoir central. Celui-ci entend par développement une plus grande rentabilité économique, sans changement de structures, sans perturbation grave d'un système hérité de la colonisation (A. Khaïbi).


En fait, pendant longtemps l'économie a dominé la conception du développement. Celui-ci était purement et simplement réduit à lacroissance, c'est-à-dire à l'accroissement du P.N.B. (Produit National But). Dans cette conception étroite du développement, la dimension culturelle était jusqu'à une date récente négligée, voire oubliée. Et
même lorsqu'on y incluait des changements mentaux et sociaux, on considérait toujours qu'ils n'avaient pour but que de rendre la population
"apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel et global" (Thanh Khoi L.).

Ayant échoué dans cette perspective économiste, l'Etats'est trouvé et se trouve encore devant divers courants de revendications identitaires. Des courants distincts (partis politiques reconnus ou interdits)qui, en concevant différemment et l'avenir du pays et la relation avec la réalité actuelle (problèmes économiques, culturels, spirituels, etc.) semblent dominés par un Etat central qui, étant donné les moyens et les techniques de contrôle et de contrainte dont il dispose, s'impose comme le défenseur et le protecteur unique de la nation, de son patrimoine culturel, de sa spécificité et, partant,de son identité.
Celle-ci apparaît clairement à travers les discours officiels et officieux, les documents et l'analyse des divers aspects de la politique de l'Etat comme une identité dont l'aspect spirituel est arabo-islamique, tandis que l'aspect matériel pourrait avoir ses origines dans la civilisation occidentale. Entendue dans ce dualisme culturel apparent,parfois ambigu, l'identité culturelle représente, par son aspectarabo-islamique, l'authenticité nationale et la protège des menaces accumulativesdes sociétés étrangères et "matérialistes", tandis que par le côtématériel, d'origine occidentale, elle voudrait être saisie dans la"modernité".
Ainsi, délimitant les principes permanents de la politique nationale d'éducation dans les quatre domaines suivants, la généralisation, l'authenticité, l'arabisation et la marocanisation, le ministère de l'Education Nationale et de la Formation des Cadres détermine - (1978-1982) -l'arabisation et l'authenticité en déclarant que"le ministère s'emploiera à fonder l'éducation et l'enseignement sur les principes et les idéaux de l'Islam, sur l'humanisme marocain, sur les valeurs spirituelles et morales, et à marquer les générations montantes d'un cachet d'authenticité marocaine. C'est pourquoi le ministère se propose de réaliser complètement l'arabisation dans les plus brefs délais, aussi bien en ce qui concerne l'enseignement que l'administration. Il est normal en effet que l'élève et l'étudiant marocains puissent utiliser en priorité leur langue nationale dans toutes les étapes de leur scolarité. Il doivent cependant rester ouverts sur le monde de la technologie et des sciences modernes, et pour cela, avoir une connaissance suffisante des principales langues véhiculant le savoir contemporain".
Il s'agit d'après ce texte, de fonder l'éducation sur les principes et les idéaux de l'Islam et sur l'humanisme marocain et ses valeurs spirituelles et morales. Il s'agit aussi de marquer les générations montantes d'un cachet d'authenticité culturelle, tout en assurant une ouverture sur le monde environnant et la culture universelle.
Certes, ces "conflits d'identité", voire"la bataille des authenticités", ne se manifestent pas seulement surle plan officiel, mais ils constituent, parfois, l'objet de dissertation de certains quotidiens nationaux, comme en témoigne ci-dessous l'éditorial du quotidien de langue française "L'opinion".

"La crise que connaît notre pays n'est pasuniquement économique et financière, mais avant tout morale, ce qui estd'ailleurs plus grave car il s'agit de l'être humain, de sa foi, de sonidentité, de sa personnalité, de sa conduite et de ses rapports avec sesconcitoyens (...). Ainsi, une société qui n'applique pas les prescriptions del'Islam et ne se conforme pas à
l'esprit du Coran dans les relations entre gouvernants et les gouvernés etentre les citoyens eux-mêmes, ne peut que souffrir des conséquences fâcheusesde cette crise morale (...). L'Islam qui a cimenté l'unité de notre peuple,forgé sa personnalité spécifique et assuré sa pérennité constitue le remèdeidéal à tous ces maux, si toutefois on se conforme à la lettre à
ses principes, on ne les viole pas de leur contenu, et on ne les
dénature pas" ("L'opinion" du 7 mai 1985).

Outre cet aspect de crise morale et son remède à travers l'application des principes de l'Islam, l'éditorialiste souligne la menace que constitue la civilisation occidentale, civilisation de consommation,en ajoutant que "la crise morale que vit notre pays nuit à son développement, détruit les fondements sur lesquels devait reposer notre société et surtout menace l'avenir des générations montantes fascinées par le progrès technologique des sociétés de consommation et surtout par leurs mœurs en perpétuel relâchement".

Il s'agit donc d'une crise aiguë, une crise dont lasignification
diffère de celle du monde capitaliste industrialisé et se situe sur le plan duculturel. Ceci, d'autant plus, que cette crise est à comprendre évidemment, à la fois, dans le contexte actuel de dépendance vis-à-vis du capitalisme du centre et de la lutte interne des "classes". C'est vrai, ce fait maintient toujours le pays en situation de dépendance à l'égard des forces impérialistes, tout en favorisant le développement d'une minorité de nantis qui jouent le rôle d'une courroie de transmission entre le centre dominant et la périphérie dominée, tandis que sur le plan intérieur, on assiste à une marginalisation de certains secteurs, de certains segments de la population, au détriment d'une complémentarité entre les secteurs au sein d'une stratégie de développement global et intégré.

Share this article :

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire